Date

Auteur

Laura Ducharme

J’aime les moments sacrés, les rituels et les traditions en expédition.

En fait, j’ai appris à aimer cela avec le temps.

Au DD2M, la deuxième soirée sur la banquise est consacrée à un moment puissant de partage, orchestré par les Mario.

Depuis 2018, j’ai assisté à une bonne dizaine de soirée de partage lors du DD2M et des expéditions thérapeutiques qu’organise la fondation Sur la pointe des pieds.

Et chaque fois, j’en ressort grandie et encore plus inspirée pour poursuivre l’expédition et mes projets à venir dans mon quotidien.

Donc, samedi soir, après avoir terminé mon succulent poulet au beurre, je me faufile parmi les participant.e.s toute.s collé.e.s et entassé.e.s l’un contre l’autre dans la tente dôme pour assister à la soirée de partage avec les Mario.

Pas besoin de chaufferette pour nous garder au chaud.

La chaleur de nos sourires et de nos cœurs suffit amplement.

Mario B prend la parole : « Il y a plusieurs significations au nom Sur la pointe des pieds. Être sur la pointe des pieds, c’est s’élever pour voir au-delà de l’horizon, au-delà de la maladie.  C’est aussi faire preuve de délicatesse lorsqu’il est question de cancer, comme lorsque l’on marche sur la pointe des pieds. »

Le duo invite Valérie et Georgi, deux anciens participant.e.s d’expédition thérapeutiques et survivant.e.s du cancer, à témoigner de leur expérience.

Valérie raconte comment elle a vécu sa rémission : « C’est comme l’après-guerre. La guerre est terminée, mais tout est en ruine à l’intérieur de toi. Parmi les cendres, on peut y retrouver parfois des mines antipersonnels bien enfouies qui peuvent se déclencher à tout moment. »

Georgi, un autre participant et survivant du cancer, joint sa voix à Valérie pour témoigner de la puissance des expéditions thérapeutiques : « L’expédition m’a permis de pouvoir être en contact avec d’autres jeunes qui vivent exactement la même situation que moi. En tant que jeune adulte vivant avec un cancer, je me suis souvent senti seul et isolé. Les services hospitaliers en oncologie s’adressent plus souvent aux enfants ou aux personnes âgées. La fondation est arrivée à un bon moment dans ma vie et a su répondre à des besoins que le milieu médical n’est pas en mesure de répondre. »

Valérie poursuit : « Durant les premiers mois de traitement, je n’étais plus en mesure de prendre des décisions pour moi et mon corps ne m’appartenait plus. J’avais l’impression qu’il m’avait tout simplement abandonné. Durant l’expédition thérapeutique sur la rivière Magpie, j’ai réalisé qu’après toutes ses années de traitements, mon corps était enfin à nouveau avec moi ».

Autour de moi, je vois le regard des participant.e.s se voiler doucement de larmes et d’empathie. Même nos deux valeureux Mario semblent être happés de plein fouet par la force et le courage de Valérie et Georgi.

Mario C prend la parole : « N’attendez pas de recevoir un coup de téléphone tragique comme moi avant de vous mettre en action », dit-il en faisant référence à la perte de sa fille Mélanie.

Le groupe vibre à l’unisson, armé d’un petit verre de Coureur des bois (une tradition au DD2M), nourri par les témoignages de nos généreux mentors.

La dernière journée de progression est pour moi un moment sacré.

En ce beau dimanche, chaque pas qui glisse sur le Lac est porteur de sens. Cette journée nous permet de consolider tous les apprentissages que le Lac nous a généreusement transmis.

Les premiers rayons de soleil me réveillent en réchauffant notre tente dôme.

Rapidement, je m’active pour sortir de mon sac de couchage et remballer mon traîneau pour une dernière fois, motivé par le déjeuner sur la banquise.

Je devrais plutôt dire ZE déjeuner, préparé avec beaucoup trop d’amour par notre chef cuistot Kevin, notre guerrier gourmet des neiges.

Au menu : Poutine déjeuner ou Chakchouka.

Tout comme plusieurs participant.e.s, je mélange les deux choix dans ma gamelle. Un repas qui deviendra définitivement une tradition au DD2M : la poutine kchouka ou la Chackchoutine ou la Pouchouchka, à voir lequel des noms sera retenu pour l’année prochaine.

Après notre séance photo traditionnelle, nous reprenons la route vers le Village sur glace de Roberval.

Le soleil se joint à nous pour cette toute dernière traversée. Notre groupe défile sur les glaces avec fluidité. Nos skis, nos raquettes et nos pulkas semblent flotter sur la neige.

Les Mario proposent de prendre un dernier moment de partage en groupe sur le Lac.

« En un mot, comment décrivez-vous votre aventure? Qu’est-ce que le DD2M vous a apporté? », dit Mario B.

Comme un petit oiseau, je virevolte parmi les sous-groupes qui échangent sur leur expérience vécue.

J’attrape par ci par là des bribes et des mots des participant.e.s :

« Magique »

« Puissante »

« Unique »

« Gratitude »

« Et toi Laura, c’est quoi ton mot qui décrit ton expérience? », me demande Audrey, une des participantes.

Je prends un moment pour réfléchir.

« Humaine »

Le DD2M, ce n’est pas seulement un défi physique.

C’est surtout une expérience humaine.

Il y a quelques années en arrière, j’avais assisté à une conférence sur la gouvernance autochtone. Notre conférencier nous expliquait que dans le mot humain, on y retrouve le terme humus, faisant ainsi référence à la terre.

En tant qu’être humain, nous appartenons à la terre.

En fait, nous sommes la terre.

Et tout comme l’humus, nous nous nourrissons mutuellement.

Ensemble, nous devenons un terreau fertile où toute.s et chacun.e peuvent grandir et s’épanouir.

Rendu à moins d’un kilomètre, je vois apparaître au loin le Village sur Glace et la fameuse banderole d’arrivée.

Je ferme la marche pour la dernière fois, accompagnée de nos merveilleux Grands Frères et Grandes Sœurs.

Après 3 traversées en moins de deux semaines, je prends un moment de recul et je regarde pour la dernière fois le lac, le regard rivé vers l’horizon.

 

On se revoit l’année prochaine!

 

Laura Ducharme, blogueuse pour la fondation Sur la pointe des pieds

Photos : Dany Côté