À l’aube, coincée entre sommeil et éveil, j’étais torturée par un mauvais rêve quand Marie-Michèle et Catherine sont débarquées dans ma chambre avec le Banjo, sourires aux lèvres. Comme les participantes et participants, les bénévoles aussi ont droit à ce doux réveil musical quotidien. En mémoire de notre épique partie de chaise musicale sur neige, elles chantaient les paroles de Jason Mraz, en voici un extrait :
« Well, open up your mind and see like me
Open up your plans and, damn, you’re free
Look into your heart and you’ll find love, love, love, love
Listen to the music of the moment, people dance and sing
We’re just one big family
And it’s our God-forsaken right to be loved, loved, loved, loved, loved (…)”
Quel sentiment d’apaisement j’ai eu quand je les ai entendues, elles ont immédiatement chassé mon mauvais rêve et je me suis sentie en sécurité, en famille. Oui, maintenant, avec tout ce qu’on a partagé dans les derniers jours : « We’re just one big family ». Le choix de paroles était parfait, je le ressens cet amour!
C’est un peu le branle-bas de combat ce matin à la Seigneurie. Notre gang de Tritons s’active à fermer les valises entre deux morceaux de pain doré, une bouchée de granola et une tasse de café. En effet, il faut s’activer puisque ça ne sera pas trop long avant qu’on entende au loin un lourd vrombissement : c’est la horde de généreux motoneigistes de Lac Édouard qui débarquent pour nous escorter hors de la forêt. En quelques minutes tous et toutes trouvent leur chauffeur ou chauffeuse, une belle occasion de connecter un peu avec la population locale. Tout le monde est content d’aider, ça semble si naturel de se serrer les coudes pour contribuer à l’aventure. Plusieurs ont même l’audace de laisser conduire leur machine par nos Tritons sur quelques mètres. J’ai vu le sourire de Nikky percer son casque tellement elle était heureuse d’avoir tenu les rênes de sa bête à moteur.
Arrivés au village, un grand bus privé nous attend, on charge la soute et c’est déjà le moment des premiers au revoir. Des câlins, des yeux qui se mouillent, les employés de la Seigneurie faisaient partie de la gang; c’est dur de les laisser derrière. C’est aussi le temps où je dois partir regagner ma voiture; arrivée en retard sur l’expédition à cause de mon vilain rhume, j’avais dû monter à Lac Édouard de manière autonome; je dois repartir aussi solo.
Je ne peux pas vous cacher que j’ai fait la route de retour avec une boîte de mouchoirs comme co-pilote. C’est qu’ils sont attachants ces Tritons; un groupe d’une qualité humaine exceptionnelle. Au moment du câlin final, je dis à une participante de ravaler ses larmes, d’en garder pour les autres pour ne pas faire de jaloux. Elle me regarde les yeux moqueurs et mouillés en même temps en me montrant sa bouteille d’eau d’un litre attachée à son sac : elle m’assure qu’elle est prête à pleurer un bon coup et à rester hydratée! Coquine!
On se fait de grands « bye bye » du bras à travers les fenêtres teintées, j’envoie une tonne de becs soufflés vers le bus quand…
…Coup de théâtre!
Le bus s’enlise dans la neige à la sortie du stationnement !!!
Est-ce que j’ai soufflé trop fort?
Décidément, même les astres ne veulent pas que ça se termine! Alors que les scénarios catastrophes d’avions manqués défilent dans ma tête, le village s’organise. Ça ne prend pas deux minutes qu’Élisabeth me lance : « C’est réglé, mon voisin s’en vient avec son gros ‘’loader’’ ». Je ne sais pas ce qu’est un « loader » mais en tout cas : pas le temps de niaiser à Lac Édouard, il n’y en a pas de problème, juste des solutions!
Les circonstances font que la suite de la journée m’a été partagée plus tard par téléphone. Voici ce que Marie-Michèle, alors en route vers Chicoutimi, m’a raconté…
La route bossue pour rejoindre la 155 a donné un peu mal au cœur au groupe qui s’obstine quand même à rester ensemble au fond du bus. On veut savourer les derniers moments de cette bulle magique, déconnectée du monde, avant de retrouver la civilisation et les télécommunications (je vous rappelle que les participantes et participants sont complètement débranchés pour toute la durée de l’aventure, une déconnexion bienvenue afin de mieux se connecter à soi-même, aux autres et à la nature). On profite aussi de la route pour continuer à clore l’expérience à la manière de la fondation : chacune et chacun reçoit un bracelet fait à partir de la même longue corde et un certificat à leur nom.
C’est à Trois-Rivières qu’on doit dire au revoir à Caro, la médecin de l’expé. C’est triste, c’est sûr, mais comme le dit si bien Mario Bilodeau, un des fondateurs de Sur la pointe des pieds : « Ça ne sert à rien d’être triste, vous ne perdez rien aujourd’hui, vous avez plutôt gagné! Gagné plein de nouvelles amitiés ». C’est vrai, mais c’est déchirant quand même.
La navette arrive à Montréal dans les temps, c’est là que la vraie grosse tournée d’au revoir commence. Marie-Michèle me dit que c’était particulièrement touchant; « c’est toujours émouvant, mais là, je ne sais pas, c’était comme encore plus fort qu’à l’habitude » me dit-elle. Je n’en doute pas une seconde, je ne trouve pas les mots pour exprimer comment ce groupe était soudé, bienveillant, du tabarouette de bon monde, de l’or en barre… C’est inestimable la richesse des connexions qui se sont tranquillement tissées tout au fil du voyage.
On se sépare tranquillement, selon l’orientation de sa rose des vents : le Grand Nord magnétique attire de nouveau Rachel vers chez elle; la Côte Ouest et sa houle rappellent Dilian; la gang de Toronto et d’Edmonton composée de Dylan, Pat, Lana et Ben se font un dernier souper ensemble avant le décollage; c’est aussi vers l’Ouest, qu’Érika prend les rails alors que David fait de même en train vers l’Est pour renouer avec sa Gaspésie natale; le papa de Félycia l’embarque en voiture vers le Sud; et, finalement, la gang qui reste à MTL, Nikky pour quelques jours chez des amies, Kay, Momo et Nadz s’entassent dans le char du chum de cette dernière. Être collés encore un peu plus longtemps, ce n’est pas un problème mais un luxe. Enfin, Chris repartira avec la gang de la fondation pour encore quelques heures de route vers le Saguenay.
C’est ainsi qu’au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest comme à Montréal, les participantes et participants, chargés à bloc, rayonneront à la pleine grandeur du pays. Une participante nous a partagé être maintenant remplie, alors qu’elle ne savait même pas quelle était à moitié vide avant de vivre l’aventure; un autre nous a remercié de lui avoir permis de pleurer et de purger des émotions qu’il avait enfouies au plus profond de lui depuis trop d’années.
Des exemples comme ça, j’en ai plein d’imprimés dans ma mémoire; c’est puissant l’aventure thérapeutique. Leurs batteries sont pleines maintenant, je souhaite à toutes et à tous le plus doux des retours à la maison. Je leur souhaite de prendre le temps d’atterrir et de garder proche de leur cœur ce séjour à la Seigneurie, où ils et elles se sont transformés en dieux et en déesses.
Merci, Merci, Merci.
Merci tellement de me faire confiance.
Merci Catherine, Merci Marie-Michèle, Merci Julien, Merci Naïla, Merci Jess, Merci Caro, Merci Dilian, Merci Dylan, Merci Momo, Merci Ben, Merci Chris, Merci Pat, Merci David, Merci Rachel, Merci Nadz, Merci kay, Merci Nikky, Merci Érika, Merci Félycia, Merci Lana.
Merci à la gang au bureau, Merci à la gang au Triton, Merci aux donateurs et donatrices et à tout le monde qui rendent ces expéditions possible.
Merci Dame Nature pour ton temps clément et ta magie.
Merci la vie d’être encore là, forte.
Chers lecteurs et lectrices, merci de nous avoir accompagnés à distance : vos belles énergies ont aussi irradiées jusqu’à nous.
Au plaisir de vous retrouver bientôt pour une prochaine aventure,
Humblement, Marie-Hélène
Bloggeuse-photographe pour la fondation Sur la pointe des pieds