
Jour 7 depuis le départ de la maison, 4ᵉ jour d’expédition. Quelque part sur un lac, dans la Réserve faunique de La Vérendrye, entre l’Outaouais et l’Abitibi-Témiscamingue.
Il était une fois 12 personnes qui ont choisi de se dépasser, de vivre une aventure en connectant avec la nature, d’avoir du fun, de rencontrer d’autres personnes qui ont un vécu similaire. Vos amoureux·ses, vos frères, vos sœurs, ton papa ou ta maman, des ami·e·s, des inconnu·e·s, toustes plus fascinant·e·s les un·e·s que les autres. Merci d’être là et de les suivre.
Ce matin, on se réveille heureux·ses que la pluie qui tombait fort cette nuit se soit arrêtée. Le temps de ranger les sleeping bags, les matelas de sol et de faire sécher nos toits de tente, le petit déjeuner, préparé par Jimmy et Quentin, est prêt : des hashbrown potatoes, bacon bites, œufs et autres condiments délicieux. Assez pour nous donner la force d’affronter la plus grosse journée du voyage : 10 km plus trois portages.
Le rangement du campement se fait en deux temps, trois mouvements ! On est rodé·e·s et c’est avec énergie et enthousiasme qu’on attaque la journée. C’est beau, voir filer les dix canots sur le lac. On s’appelle le human pack, comme on dit en anglais : un wolf pack, une meute de loups.
Parlant de loup, nous croisons de la belle faune : une famille de huards que Marie-Ève et Tobiasz ont observée plus longtemps, le temps de voir le papa huard nourrir le bébé huard en lui déposant un poisson dans le bec ! Des crapauds sous nos tentes le matin. Un aigle qui nous survole, curieux. Pendant qu’on longe le littoral, Lysianne cherche des tortues, il paraît qu’il y en a plein dans la région.
Oh ! Il faut que je vous le dise : Catherine a trouvé une sangsue. Encore ! Dans son canot ! On ne sait toujours pas comment elle s’est retrouvée là…
On fait un premier portage éclair, parce qu’on est devenu·e·s des pros, puis, après un petit 800 mètres encore sur l’eau, on accoste pour dîner. Montage de la cuisine à la vitesse grand V, on mange une copieuse salade de pâtes.
Catherine et Marie-Michelle invitent ensuite les participant·e·s à se retrouver autour du feu pour une discussion attendue. Ce sera le moment pour les participant·e·s de partager leur vécu du cancer. Ça se fait en cocon : seules Marie-Michelle, Catherine et Marie-Ève, intervenante psychosociale, sont présentes avec eux et elles.
Ça leur appartiendra de vous partager, ou pas, les mots et le sensible vécus.
Après un départ lancé par un cri de groupe libérateur, nous avons fait le kilomètre suivant en silence, pour permettre à tous et à toutes de faire atterrir ce qui fut vécu.
Le second portage fait 50 mètres et permet d’éviter un rapide raisonnable, mais sportif. Pour éviter de sortir l’ensemble du matériel pour ces quelques 50 mètres, les guides ont descendu les petits rapides. Jessica a pris le temps de nous expliquer le fonctionnement de cette descente particulièrement technique, car deux roches sont cachées juste sous la surface, ce qui comporte un risque important de chute pour des personnes moins expérimentées. On apprend et on comprend mieux les dangers auxquels on peut être exposé·e·s.
Le dernier portage de 170 mètres se fait gaiement, quoiqu’on sente la fatigue après ces presque 10 km et la discussion émotive du dîner. Ceux et celles qui avaient l’objectif de portager un canot pour la première fois sont ravi·e·s d’y parvenir. Je me souviens du sourire d’Annie une fois le canot posé sur ses épaules. De Manu qui a porté le sien en toute simplicité et de Judith, qui l’a fait avec une cadence exemplaire.
Une fois dans l’eau, nous parcourons un dernier petit 150 mètres pour trouver le camping pour la nuit. Encore une fois, un site magnifique où nous serons bien pour un repos mérité.
Mathieu et Judith nous préparent un pâté chinois, pendant que la gang se baigne, lit, relaxe, perfectionne ses techniques de gestion de campement et du matériel personnel. La soirée se passe autour du feu, on se tire au tarot, petite séance de yoga et autres aventures à venir, jusqu’au dodo réparateur, au chaud dans nos sleep’.
Il y a quelque chose de grand dans ces gestes quotidiens devenus presque rituels, dans ce rythme hors du temps.
C’est ça, le travail et le pouvoir de la Fondation Sur la pointe des pieds : permettre à ces personnes atteintes du cancer de vivre une expérience transformatrice avec d’autres pour qui et avec qui il sera riche de partager. On est loin de la zone de confort, des habitudes et de la normalité. Cette expédition s’enrichit, nous enrichit de jour en jour.
Je vous le dis un peu, chaque jour, comment, comme spectatrice impliquée, je vois les liens évoluer et la communauté se renforcer. Je vois des gens qui maintenant se connaissent. Des invitations qui fusent pour se visiter après. Des inside qui vont les habiter pour longtemps, de fous rires impossibles à oublier, qui vont devenir des anecdotes à se raconter encore, longtemps. Je vois des étoiles. Dans les yeux, mais aussi à l’intérieur de chacun·e d’eux et elles, comme une nouvelle constellation qui s’inscrit dans le ciel et qui brille, déjà.
Gabrielle