
*Rise up this morning’ Smiled with the risin’ sun, Three little birds Singin’ sweet songs Of melodies pure and true. Singin’: Don’t worry ‘bout a thing, ‘Cause every little thing gonna be alright* Bob Marley and The Wailers étaient à l’honneur au réveil ce matin. Ça adoucit un temps frais et gris qui est le bienvenu après une grosse journée chaude au soleil à trimbaler du matériel deux fois plutôt qu’une, comme hier.
Avant même de déjeuner, les participant.e.s sont invité.e.s à un atelier de méditation animé par Marie-Ève. Assis.e.s sur le sable, tous et toutes établissent un lien de connexion en eux et en elles, avec le projet d’expédition, avec la nature qui nous compose et nous entoure.
Après un petit déjeuner copieux de pudding de chia, on se prépare pour une navigation de 10 kilomètres. Anne-Sophie, notre guide, nous explique la route à emprunter et le plan de la journée. J’aimerais partager qu’elle est toujours là pour nous, travaille sans cesse – et en catimini – à réaliser des dizaines de tâches, elle est à l’écoute et nous partage ses connaissances sur la nature avec passion. C’est une perle. Elle m’apporte même ma part de dessert directement dans ma tente quand je rédige, le soir, après le souper. On est choyé.e.s!
C’est donc la plus longue distance que nous ferons en une journée. Il y a un peu d’anticipation, mais nos corps sont de mieux en mieux habitués aux mouvements de pagayer, et tous et toutes contrôlent vraiment bien leurs embarcations et les mécaniques des déplacements (paqueter ses affaires, remplir les canots, amarrer, vider les canots, monter le campement… eat, sleep and repeat).
C’est parti!
Cette portion du voyage est magnifique. Les dédales du lac sont mystérieux et nous émerveillent à chaque détour. Nous croisons plusieurs huards, des poissons gourmands, une hutte de castor et quelques oiseaux de proie.
Les paires de navigateur.trice.s placotent ensemble. Ça échange aussi entre embarcations, et on se suit de près souvent, de loin parfois, mais toujours à vue et à voix.
Jolyanne entonne de nouveau (et à gorge déployée) sa chanson de la charrette de bois, et tout le monde lui répond avec fougue et enthousiasme.
Tobiasz porte encore son pyjama une pièce.
Caroline, passagère du canot à trois places, passe à travers toute la littérature d’interprétation de la faune et de la flore, et réalise des entrevues avec tout le monde avec la GoPro de Jimmy.
Après le dîner, Catherine nous invite à nous rassembler en nous tenant les un.e.s aux autres (les canots) et à nous plonger dans une introspection silencieuse, le temps d’un instant. Encore une fois, le temps s’efface, le silence humain est complet, il laisse place aux sons qui nous entourent. On dérive doucement, mais ensemble. Mylène dira plus tard : « … les éléments étaient complices avec nous … ».
Ils sont rares et peu accessibles, ces moments de rien qui deviennent un tout.
L’ensemble du groupe arrive à destination en touchant terre en même temps. Oui, nos dix canots ont accosté exactement au même moment. Hippo nous a proposé cette idée qu’on a réussi à réaliser.
Une arrivée au campement douce, régulée par la routine pleinement intégrée : vider les canots, ranger les canots, monter la cuisine, monter nos tentes. L’invitation à la baignade permet ensuite de se dégourdir et de rire. Gros match de frisbee : Annie, Jimmy, Mylène, Catherine, Marie-Ève… presque tout le monde s’amuse, comme des poissons dans l’eau fraîche.
Quentin s’est fait d’une sangsue une amie incongrue. Ces intruses ne cessent de se coller à nous.
Nos trois collègues anglophones : Jimmy, Tobiasz et Manu parlent de plus en plus français, et les francophones qui hésitaient, de mieux en mieux anglais. L’harmonie du groupe ne cesse de croître. Les participant.e.s viennent nous dire plusieurs fois par jour à quel point ils et elles sont agréablement surpris.e.s de la qualité du groupe et du plaisir à y vivre en communauté.
Je cherchais mes mots pour vous expliquer le sentiment de ce phénomène. Je pensais à allègement, dans le sens que tout est léger, simple, pas compliqué, on se sent bien, les gens se sentent à leur place… et j’ai eu un flash…
Je résumerais ce mi-parcours par un concept enseigné en plein air et en leadership : celui du flow, élaboré par Czikszentmihalyi. C’est un état qui se développe lorsque le niveau de compétences s’équilibre avec le niveau de défis et de challenge. C’est un peu comme « être sur son X » : quand on effectue une tâche sans voir le temps passer, on y est absorbé.e et on oublie tout, juste le plaisir d’y jeter toute son attention, on s’abandonne.
Ce soir, en observant les petits groupes discuter entre eux, j’ai vu du bonheur, un sentiment de bien-être et, surtout, des personnes à leur place, qui apprécient autant être en relation et en discussion qu’absorbé.e.s dans une tâche désormais familière et importante, contribuant au mieux-être, à la sécurité et au confort du groupe. Bref, un état général de flow. À demain!
Gabrielle