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Expéditions

Auteur

Valérian Mazataud

Photo de groupe au sommet du Mont Harfang.

L’ascension du Mont Harfang a marqué la moitié de notre voyage et a renforcé la cohésion de notre groupe. La longue et difficile ascension a été récompensée par une vue à couper le souffle, un moment incroyable après notre première nuit hivernale passée sous la tente par une nuit étoilée et glaciale.

Le sommet

Depuis le sommet du Mont Harfang, à 960 mètres d’altitude, la vue est incroyable des deux côtés. Face à nous, le réservoir Manicouagan resplendit de mille feux. Le blanc de la neige brille tellement au soleil qu’il semble que ses îles peuplées d’épinettes surgissent du brouillard. Même depuis notre point de vue haut perché on ne découvre qu’une petite partie de «l’œil du Québec», le surnom du gigantesque réservoir Manicouagan, un immense cercle presque parfait créé il y a des millions d’années par l’impact d’une météorite.

Plus loin vers la gauche apparaissent d’autres montagnes des Mont Groulx, leurs sommets blanc et rocailleux émergeant des forêts. D’un côté donc le paysage, et de l’autre les visages réjouis et émerveillés de 16 grimpeurs baignés par les ultimes rayons du soleil avant que les nuages n’envahissent le ciel. Depuis des mois que nous suivons les préparatifs de cette expédition, le nom aérien du Mont Harfang résonnait dans nos têtes. Aujourd’hui nous l’avons rencontré, presque trente ans après la création de la fondation sur la pointe des pieds dont l’expédition inaugurale a eu lieu ici même…

L’ascension

À la queue leu leu, nous entamons le sentier neigeux, raquettes aux pieds. D’abord la piste semble avoir été tracée par d’autres visiteurs, mais bien vite le chemin disparait sous la neige fraiche. Nous nous relayons pour ouvrir la voie, traçant littéralement notre route à coups de raquettes. Parfois la neige se dérobe sous nos pieds et l’on s’enfonce profondément dans la poudreuse. Il faut alors creuser pour récupérer sa raquette ensevelie. À certains moments la pente devient trop raide. Il faut percuter la paroi avec l’avant de la raquette pour tenter de s’ancrer dans la neige et pousser sur ses bâtons. Personne n’échappe aux chutes et aux glissades, même les randonneurs les plus expérimentés comme Mario.

Le groupe avance comme un seul homme, chacun attendant le suivant et se préoccupant du rythme et de l’allure. En cinq jours tous les membres de l’expédition sont si soudés que personne ne verrait de sens à vouloir aller plus vite que l’autre. L’effort est soutenu. Il faut avancer pas à pas, ne pas suer, et surtout ne pas oublier de profiter du paysage forestier qui nous entoure ! Mention spéciale ici à Emma et Chandra qui ont fait preuve d’une persévérance et d’une motivation admirables faces aux difficultés de l’ascension.

À la descente nous avalons les kilomètres si rudement acquis durant la montée. Si certains des randonneurs plus expérimentés démontrent leur technique de descente en pliant gracieusement les genoux, la plupart d’entre nous dévalent de longues sections sur les fesses dans de grands éclats de rire.

Première nuit

Nous arrivons à notre camp de base peu avant la tombée de la nuit. Viens alors le moment d’entamer notre routine nocturne. D’abord les pieds humides de sueur et de neige. Changer de bas, enfiler des mouflons (chaussons pour la neige) et des sur-mouflons. Puis enfiler son pantalon et son manteau d’hiver. Installer son tapis de sol, gonfler son matelas, dérouler son sac de couchage. Puis, après le souper, viendra la routine du pré-dodo : enfiler ses vêtements polar pour la nuit, ses plus gros bas, sa tuque la plus confortable… et ses bouchons d’oreille pour la symphonie des ronfleurs.

Pour beaucoup la première nuit de camping d’hiver ne fut pas des plus faciles. Le froid (presque -30!) et l’inconfort ne nous ont pas donné de répit : «mon zipper était bloqué par le froid» se souvient Aurélie. Gabrielle a dû changer de tente au cours de la nuit pour se rapprocher du poêle et Vincent a mis un long moment à regagner sa chaleur au réveil. D’autres bien sûr ont dormi comme des bébés. Mais au petit matin, dans la brume et la vapeur des respirations congelées on pouvait sentir la fierté de tous d’avoir vécu cette épreuve ensemble et de mieux se connaître.

 

Valérian Mazataud, photographe-blogueur bénévole pour la fondation Sur la pointe des pieds