
Notre expédition touche à sa fin et nous passons notre dernière journée aux pieds des Monts Groulx sous la neige duveteuse et les aurores boréales. Nous rendons nos équipements techniques de plein air et profitons d’une douche bien méritée. Demain, départ vers Baie Comeau !
Le mot
Il y a plusieurs traditions qui rythment les expéditions de la Pointe des pieds, des traditions qui ont été inventées au fur et à mesure des expéditions et des années. Par exemple, de l’Île d’Ellesmere, dans le grand Nord, on a rapporté une mélodie, chantonnée depuis par les groupes de toutes les expéditions.
Nous avons aussi déjà parlé du carnet de groupe où tous les participants contribuent, ensemble ou à tour de rôle. On transporte également un «high and low», un paquet surprise (peut-être bien des bonbons) emballé dans une impressionnante quantité de Duck-tape, et à ouvrir dans un moment de bonheur ou en cas de baisse de moral. Durant cette expé par exemple il a été déballé lors de la réouverture de la route vers le Nord.
Et puis, le dernier soir, comme le veut la tradition, on se réunit tous ensemble et chacun doit résumer son expérience en un seul mot. Un seul mot ça parait peu pour une semaine d’aventures, mais l’important ce sont les explications en arrière du mot. D’ordinaire on serait réunis autour d’un feu de camp, mais les conditions nous forcent à nous rassembler dans un petit refuge autour d’une lampe de chevet ! On y est aussi très bien.
Alors, chacun confie son mot. Vincent et Mario sont émerveillés, Sarah est comblée, Aurélie et Marie-Pierre respirent le bonheur, Ruben propose «découverte», Chandra «gratitude» et Gabrielle parle de fierté.
Entre les gouttes
Eve-Marie et Marie-Michelle ont proposé «mousse-mémoire», en référence aux vagues ou au fil de l’eau et à sa capacité à s’adapter à son environnement. De fait, c’est toute notre expédition qui aura navigué au fil de l’eau et de l’adaptation. Bloqués par la pluie et le verglas d’abord, haletant dans la neige des Monts Groulx jusqu’aux genoux, puis émerveillés par le miroir de glace du réservoir Manicouagan.
Enfin il y avait cette pluie que l’on attendait en la redoutant car elle marquerait la fin de nos activités extérieures. Et elle a fini par arriver durant la nuit. Ah le plaisir de dormir au chaud sous une tente en écoutant les gouttes s’écraser sur la toile. Ah la tristesse de se réveiller sous la pluie et les nuages gris. Nous nous rabattons vite sous le Shaputuan pour le déjeuner et la discussion s’allonge un café à la main. Alors miracle, la pluie se transforme en neige, en gros flocon blanc et moutonneux qui recouvre notre camp à mesure que nous le démontons. La neige enseveli sacs étanches, raquettes, bâtons, ski-doo, traineau et équipements. Un dernier au revoir des Monts Groulx.
Le fil
Alors viens le départ en raquettes vers la Station Uapishka, chatouillés par les flocons. Et puis finalement la dernière sortie en ski-hok dans la forêt et le retour du matériel. Nous devons laisser aller vestes Gore-Tex, pantalons d’hiver rembourrés, chaussons de neige, chaises de camping, matelas gonflable et sacs de couchage -40. Cette fois, ça sent la fin.
Réunis tous ensemble pour cette ultime soirée sur les terres traditionnelles des Innus de Pessamit, nous sommes assis en cercle autour de notre lampe de chevet. On se passe un long fil de couleur que chacun tient dans sa main. On ferme les yeux et Marie-Michelle passe en revue le fil de toutes nos aventures depuis l’aéroport de Montréal jusqu’à la neige du matin, sans oublier toutes les blagues et les histoires que le groupe s’est inventé au fur et à mesure. Les mines sont réjouies, les yeux mouillés parfois, et dehors les aurores boréales vertes et violettes danses dans le ciel. Merci les Monts Groulx…
Valérian Mazataud, photographe-blogueur bénévole pour la fondation Sur la pointe des pieds