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Expédition Manicouagan

Un évènement majeur au niveau planétaire s’est produit ici, à la Manicouagan, il y a 214 millions d’années. Un évènement aussi percutant au niveau humain s’est produit au même endroit hier soir.

Une météorite de quelque 5 km de diamètre provenant des confins de la galaxie s’est dirigée à 60 km/sec directement vers le Québec, au nord de ce qui est devenu Baie-Comeau. Quatorze aventuriers provenant des quatre coins du pays, dont moi-même, ont pris la même direction à 0,03 km/sec il y a une semaine.

Le corps céleste a percuté la planète avec l’énergie de 40 millions de «Little boy» du temps d’Hiroshima et s’est enfoncé à 10 km sous la croute terrestre. La pression a été tel qu’elle a dégagé une chaleur avoisinant les 1 400®C. Les rochers se sont liquéfiés pour donner naissance à un magma qui a pris 1 600 ans pour se solidifier. Des fragments plus résistants sont tombés dans cette pâte en ébullition.

Nous avons créé des liens rapidement entre nous, en échangeant sur ce qui nous passionne et sur les moments éprouvants que nous avons traversés dans notre maladie. Mais il y avait quelque chose qui ne collait pas. Je m’en rendais compte et on le ressentait tous plus ou moins, j’imagine, mais on gardait cela chacun pour soi.

Comme une goutte observée sous une loupe qui tombe au ralenti dans l’eau, la météorite a sculpté une immense cuvette. Au centre de cette cuvette, un titanesque grumeau de matière brute a rejailli pour former l’île au cœur du cratère dominé par le mont Babel.

Hier soir, assis en rond autour du feu de camp, comme des titans autour de la Manicouagan, nous avons crevé l’abcès. Madeline a ouvert le bal : «I wish that we could mix up more the French and the English together». Après elle, plusieurs autres ont exprimé le souhait que les deux solitudes se rapprochent plus étroitement.

Cette discussion nous a galvanisé. Tout de suite après, j’ai pu voir l’effet : on a commencé à se mélanger plus, et j’ai décidé de foncer et de m’essayer sérieusement à parler anglais. Pis, il y a de nouvelles amitiés qui ont émergé. Ça vaut vraiment la peine d’aller vers les autres, malgré la barrière de la langue. On découvre des gens exceptionnels. Déjà que j’aimais beaucoup mon expé, maintenant je l’adore! »

Ce matin, il fallait faire un feu sur un radeau qu’on devait pouvoir garder allumé sur une distance de quelques dizaines de mètres. Yna et Zach m’ont impressionné par l’efficacité de leur collaboration. Et il fallait voir la fierté dans les yeux de Blake, Lucas et Sarah quand ils ont réussi le défi à leur tour!

Sur la grève, j’ai ramassé une impactite. Ce sont ces pierres uniques qui sont le fruit de la fusion du roc à l’aube des temps, du temps de la grande météorite. Plusieurs cailloux sont troués comme du gruyère. Les trous gardent le souvenir des fragments qui ont résisté à la chaleur de l’impact. Celle que j’ai conservée porte encore fièrement une pierre sertie, telle une étoile polaire. Je vais la garder toujours en souvenir de la chimie qui a opéré entre nous hier soir. Maintenant, plus que jamais, nous sommes un groupe uni dans l’aventure!

Vous comprendriez mieux ce que je veux dire si vous aviez pu nous entendre entonner en chœur l’Hymne à la Fondation au coucher du soleil. Moment magique.