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Expéditions

Emily et Lucie

La tempête est derrière nous, mais cette nuit les rafales ne voulaient pas respecter le couvre-feu. Je ne me sentais pas gros dans ma tente quand j’entendais les arbres se plaindre de se faire rudoyer ainsi par le vent. J’étais rassuré de savoir qu’on avait choisi l’emplacement de notre abri pour être loin des arbres morts…

CRRRRACKKK

Un coup de tonnerre en pleine nuit? Non, c’est le vent qui s’est engouffré sous la bâche qui nous sert de double toit. Les rivets n’ont pas tenu le coup. Félicitations à celles qui sont sorties en pleine nuit, pour sécuriser le tout!

La tempête a laissé pas mal de traces selon l’information qui a filtré jusqu’à nous. Un couple qui campait sur une île pas loin d’ici ont semble-t-il perdu leur embarcation pendant la nuit (morale de l’histoire : faire comme nous et attacher son canot…).   Plus au sud, des arbres sont tombés, des routes coupées, dont celle que nous devons emprunter dimanche pour revenir chez nous en autobus. Mais on nous rassure, tout devrait être rentré dans l’ordre d’ici là. Pour ma part, je suis plus triste que rassuré. Ça aurait été trop cool de rester une ou deux journées de plus à explorer le réservoir!

Ce matin, le ciel était résolument plus bleu et le fond de l’air nettement plus frisquet que les autres jours. Sur le bord de la rive, Isabelle, la journaliste de la Presse, a pris de temps d’interviewer Adélie. Elle est discrète cette fille, mais je sens qu’elle porte un regard juste sur le monde, empreint d’une grande sensibilité.

Le temps de quelques chansons accompagnées au ukulélé par Nadir et nous voilà enfin dans nos rabaskas pour une vraie journée dédiée à la pagaie! Il faut travailler fort, parce que nous avons le vent du nord en plein dans les narines. Au moins, le retour sera plus facile. Enfin, c’est ce qu’on se disait pour s’encourager. Si j’avais su qu’il allait virer de bord au milieu de la journée…

Là, je me sens vraiment en expédition. C’est quand même pour ça que je suis venu ici. Par moment, les bras me font mal à force de pagayer, mais au moins, je peux prendre des pauses. Puis, voir les dix autres qui continuent vaillamment, ça me donne du cœur au ventre. Je ne pensais pas être capable de fournir un tel effort. Au cours de la journée, nous avons parcouru pas loin de 15 km je crois.

Après la pause du diner, sur une des îles du réservoir, je suis parti en exploration avec quelques autres participants. C’était super de jaser ensemble en découvrant les recoins cachés de cette grande île.

  • Il est où le reste du groupe?

On avait marché un bon bout de temps sans trop se poser de questions. J’ai commencé à avoir un peu peur de m’être aventuré trop loin. Heureusement, on a fini par entendre le groupe qui criait pour nous retrouver. Oui, j’étais soulagé de rejoindre les autres, et aussi j’étais honteux sur les bords. On s’est quand même fait chicaner un peu. Madeline m’a pas mal impressionné :

  • On n’aurait pas dû partir si loin et on aurait dû vous dire où nous allions. Nous sommes désolés de vous avoir inquiétés inutilement.

Elle a pris entièrement responsabilité de ses actes et s’est excusée. Moi, j’avais juste la force de me faire le plus petit possible pour qu’on m’oublie. Mais j’apprends de cette mini mésaventure : dans un groupe, nous sommes tous interdépendants, et nos actions ont des conséquences sur tous les autres. Je n’avais pas réalisé à quel point c’est important.

Nous avons découvert l’éléphant du réservoir, paroi rocheuse qui plonge dans l’eau, où, avec un peu d’imagination, on peut voir un éléphant de profil en quête de forêts boréales. Nous avons même décidé tous ensemble de pousser un peu plus au nord pour aller visiter la lagune verte. C’est un petit lac, au cœur d’une des îles du réservoir. Nous y avons libéré notre cri primal, ce qui nous a fait apprécier différemment notre minute de silence quotidienne. D’ailleurs, j’ai bien l’intention d’adopter cette pratique de la minute de silence dans ma vie de tous les jours. Ça fait le plus grand bien.

Le retour vers le campement s’est fait trop vite. Malgré le vent de face et la fatigue, j’aurais encore pagayé plus longtemps.

Autour du feu de camp, nous partageons le mot qui pour chacun d’entre nous symbolise le mieux notre expédition. C’est étrange, mais les mots de chacun résonnent aussi un peu en moi :

Challenging, friendship, spontaneous, fun, enlightening, partage, réunion, collaboration, inspiring, travail d’équipe, imprévu, mémorable, différent, spécial, exploration, espace, beauty, marquante, empowerment, amour, reconnaissance.

Une fois de plus, dans nos cercles d’échanges de fins de journées, William remporte la palme du bilinguisme, coast to coast.

Quoi? Demain, c’est déjà le dernier jour? S’il pouvait avoir un bon coup de vent pour faire tomber une couple d’arbres sur la route (pas sur nos tentes!) On pourrait prolonger le plaisir un jour ou deux…

Pour le moment, je vais continuer de chanter autour du feu avec les autres. Ça n’a pas l’air de déranger personne que je chante comme une casserole!