Pour camper ce soir nous retrouvons la terre ferme. Nous avons planté notre dôme à l'extrémité sud-ouest du réservoir, à quelques encablures de la base Air Eau Bois que nous rejoindrons demain matin. Et oui, cette courte expédition touche à sa fin, alors il a fallu en profiter très vite et très fort.
Ce soir donc, nous sommes plantés en haut d’une petite montagne qui surplombe l’eau, entourés par les épinettes et sous le regard de la pleine lune, immense et brillante. En bas, par delà le bruit du vent qui fait trembler les branches, on devine les accords de la guitare de Marc-André. Son répertoire semble inépuisable. Cet homme fait autant danser les flammes que les campeurs, et le matin, il sert même de réveil!
Juste à côté, Mario a installé sa petite cantine et s’est encore laissé aller à un cinq service sur son réchaud. «Il vous reste bien une petite place pour des carrés aux dates?» interroge-t-il alors qu’il nous semble déjà avoir bien dépassé la contenance de nos estomac. Mais pas grave, Mario, c’est un peu notre grand-maman, il aime ça voir le monde heureux et avec l’estomac plein. Et le monde ici est pas mal heureux, merci. Sous le dôme, au coin du feu, ou dans le canot, ça chante, ça jase et ça blague, de tout et sans tabous. Ici tout le monde se comprend «et on oublie nos différences», résume Alexia. Alors on peut se raconter des jokes sur son cancer ou sur sa chimio.
Aujourd’hui, nous avions déjà pagayé une quinzaine de kilomètres, plongé dans l’eau glacée et gravit une montagne. Petite journée quoi. À l’arrière de notre embarcation, nous avons fixé le drapeau de la Fondation qui a battu au vent tout l’après-midi alors que nous aussi nous devions affronter le vent contraire et les vagues. Quand nous avons accosté sur l’île voisine, ce n’était pas pour relaxer, mais pour gravir un sentier boisé. Chacun à son rythme, chacun à l’écoute de son corps, de ses limites et des autres. Arrivés en haut, les participants se sont mis d’accord pour ouvrir le paquet surprise que nous transportons avec nous depuis le départ, le «high and low», une boule recouverte de dizaines d’épaisseurs de « ducktape ». L’occasion était idéale! Par contre, si vous voulez en connaître le contenu, il faudra le demander vous même!
Encore un peu plus bas de notre campement il y a la plage. Sur la plage on a planté le drapeau de la Fondation, flottant dans le vent de la nuit, et on s’est installé en cercle. Et puis, en un mot, on a essayé de résumer nos impressions sur l’expédition, Pour Alexia, s’était se surpasser, pour Mario c’était l’harmonie, pour Alexandre c’était amical, pour Layla l’évasion. Certains en avaient les larmes aux yeux en fredonnant l’hymne de la Fondation. Loin au-dessus de nos têtes, la lune a commencé à disparaître doucement, dévorée par l’ombre du soleil de l’autre côté de la terre. Alors on s’est tous tournés vers elle, et les mots se sont éteints en même temps que le dernier rayon de lune. Puis quand elle est réapparue quelques instant après, elle avait changé de couleur. La lune était rousse. Les derniers nuages ont complètement quitté le ciel pour laisser la place à la voie lactée et aux étoiles filantes. C’est l’éclipse de lune qui a eu le dernier mot de cette grande journée.