L’aventure a ses façons bien à elle de nous amener à la rencontre de nous-même. De nous montrer ce que l’on a dans le ventre. Parfois même sans trop nous le demander, elle nous amène à donner le meilleur de ce qu’on est. C’est justement ces pensées qui me traversent l’esprit lorsque je les voit porter leur bagages sur la galerie du Batiscan (le chalet dans lequel nous avons été reçu). La gang ne semble pas trop nerveuse. Ils sont plutôt très excités d’aller revoir les chiens. On les entend hurler jusque dans le chalet. C’est très impressionnant, car près de 50 chiens nous attendent aux abords du lac. On finit d’avaler les dernières tranches de pain doré en prenant bien soin de les enduire de sirop d’érable (indispensable!). Nos rois de la gloutonnerie sont incontestablement Etienne et Simon qui engloutissent un nombre impressionnant de pain doré sans parler des fruits, yogourt et litre de jus. On se sent toujours moins coupable en expédition parce qu’on sait qu’on va brûler des calories à la tonne. On fait les derniers « check-up » pour s’assurer que tous ont bien ce qu’il faut, puis on quitte la chaleur réconfortante du Batiscan. On va le revoir que dans 5 jours. Nicolas et David (nos hôtes du Triton) se démènent pour que tout se déroule bien et s’empressent de nous jouer des tours à chaque fois qu’ils en ont l’occasion. De joyeux lurons ces hommes des bois.
On marche présentement vers la meute où nous attendent les mushers (c’est le terme pour appeler les personnes qui s’occupent des chiens de traîneaux). Ils nous accueillent avec un sourire fort accueillant. À les voir, on comprend la passion qui anime ces gens. C’est fascinant, on croirait qu’il parle le même langage que les chiens. Chacun porte la barbe et semble avoir une endurance surnaturelle au froid. Tout comme nos amis du Triton, les mushers de chez Inukshuks impressionne de par la proximité qu’ils entretiennent avec la nature. Des vrais de vrais. Chacun de nous tous se penche sur un chien et apprend tranquillement à apprivoiser ces bêtes. Courtney a l’air d’avoir un lien très fort avec eux. Les chiens lui rendent son affection et tentent de lui donner des becs. Scott est tout simplement sous le charme des huskies. Au premier regard, on voit clairement une ressemblance avec des loups. Ils sont musclés et complètement adapté au froid. Leur yeux sont tantôt bleus, tantôt brun et parfois même un de chaque. Kovou, l’un d’entre-eux, se prélasse au soleil les yeux fermés. Il n’a vraiment pas l’air stressé. Frisky, quant à lui, est hyper agité et n’attend que le moment de partir. Les mushers nous expliquent à quel point les chiens aiment tirer les traîneaux. C’est leur travail, mais c’est avant tout un plaisir pour eux d’être en action.
La préparation des traîneaux et des chiens prend une bonne heure. Ça nous permet de se familiariser avec les chiens et le fonctionnement des traîneaux. Le départ est surréaliste. Les jeunes sont tous en équipe de deux et s’occupent de leur propre traîneau. Les mushers sont distribués ici et là entre les traîneaux des jeunes pour assurer la sécurité. David ferme la marche avec une motoneige, mais on ne le voit que de très loin parce qu’il ne veut pas déranger la quiétude du chien de traîneau. C’est étonnant à quel point les traîneaux ne font pas de bruit. Les patins glissent sur la neige et nous donnent l’étrange impression de voler au-dessus de la glace. Les paysages défilent devant nous et chacun des montagnes, des lacs et des forêts semblent se relancer en beauté. Chaque traîneau se suivent l’un derrière l’autre. Les chiens suivent fidèlement le premier traîneau ou du moins, l’odeur de ceux-ci. Ils avancent avec une assurance déconcertante comme s’ils étaient déjà venu sur ces lacs. La conduite est fantastique et beaucoup plus simple que j’aurais pensé. Quelle chance inouï pour les jeunes d’être ici et de vivre ce doux contact avec la nature. Ils délaissent peu à peu leur carapace et s’ouvre tranquillement. Après presque 20 kilomètres à travers lacs et montagnes, nous apercevons les refuges en bois rond qui nous procurons chaleur et quiétude pour la nuit. Ils ont été construits au début du siècle, mais le poids des années n’a pas eu trop d’emprise sur leur solidité. La fumée s’échappe des cheminées et nous fait déjà miroiter un repas des plus succulent. Arrivée au campement, les jeunes prennent le temps de se réchauffer et nous aident dans les besaces de routine. On prépare un petit nid douillet pour les chiens les plus frileux (un petit lit de sapinage installé avec soin). Il faut tout de même qu’ils dorment bien ces belles bêtes car c’est eux nos moyens de locomotion pour toute la durée de l’expédition. Le soir venu, c’est la fatigue qui s’installe sur nos petites pommettes rougeâtres. Ce sera notre première vraie nuit de coureur des bois. La fierté anime nos aventuriers. La peur et l’ennui ne semblent pas être trop lourde pour les jeunes. Ils sont ensemble et ça les rend fort. Ils semblent bien dans leur nouvelle routine. Lorsque je j’ouvre la porte du poêle pour chauffer le camp durant la nuit, je regarde dormir nos bons copains. Quel beau bonheur d’être ici.