
On se retrouve au petit déj de l’hôtel dès 7 h ce matin. On va vivre un jour 2 pas ordinaire, en tout cas pas comme si on était déjà tout à fait parti·e·s pour de vrai de vrai. À 8 h 15, tout le monde est arrivé : toutes les bénévoles, puis toustes les participant·e·s. Nous sommes 17. Non, 18 (avec moi) ! 12 participant·e·s et 6 membres de l’équipe-bénévoles. Plus trois guides qu’on va attraper plus loin, au casse-croûte de Grand-Remous.
Je dis encore un jour 2 pas ordinaire, parce qu’on part en bus voyageur et que notre destination est Pine Grove, un site de villégiature avec des petits chalets. Une dernière nuit entre quatre murs, commodités incluses : douche, électricité, eau courante. Après, on va goûter à l’aventure, on va filer sur l’eau, on va camper nulle part (façon de parler), pis partager. Sûrement rire, peut-être pleurer, connecter et chanter, for sure !
Juste avant d’entrer dans le crunchy de la journée, j’aimerais vous partager un moment (parenthèse).
Début de la ride de bus, on roule depuis presque une heure. Catherine de la Fondation amène avec sa main de fer dans un gant de satin l’idée que les participant·e·s doivent se préparer à remettre leurs téléphones. Elle est rassurante : « … je vous le promets, à chaque fois, quand les participant·e·s le reprennent à la fin, ils et elles disent toujours : non merci, je le laisserais encore dans la boîte ». Ils et elles avaient été averti·e·s à l’avance et je constate que toustes ont profité des 15 dernières minutes de communication avec leurs proches, pour docilement remettre leurs appareils à l’autorité numérique. Et tout d’un coup, ça m’a frappée : je deviens en quelque sorte un pont entre vous et eux/elles et cela me donne un peu de pression, je l’avoue. Je redouble d’ardeur à vous parler d’eux à travers mes humbles mots.
(Fin de la parenthèse)
Je récapitule. En route vers Pine Grove en bus nolisé, on occupe les trois heures de plusieurs manières. Marie-Michelle de la Fondation nous partage les objectifs de l’expédition. J’aimerais vous parler du deuxième objectif : se dépasser. Comme elle le dit si bien : « … Juste le fait que vous soyez là, vous êtes plus loin que ceux et celles qui n’y sont pas ». Quand même. Se lancer dans une grande aventure de plein air, de sept nuits en canot, de navigation par tous les temps, dans le sens température justement qu’on ne contrôle pas, les bibittes, la fatigue, être entouré·e de monde 24/7, interagir jusqu’à tard, les enjeux alimentaires, le portage… c’est pas tout le monde qui en a le courage !
Oh ! mais vous auriez dû les voir toutes et tous sur l’eau cet après-midi ! Des fusées qui sheeraient tout contrôle sur l’eau ! Des pagayeur·se·s né·e·s ! Et des sourires, des éclats d’eau, tout le monde mouillé ! Allez, on chavire pour le plaisir, on se remet en selle, on se challenge, on échange, on perfectionne déjà notre gestuelle. Ça se termine en baignade, tellement agréable. L’eau est chaude, l’ambiance géniale, les sangsues… les quoi ?! Petit moment de dégoût quand deux choses noires et longues gigotent vers nous. C’est Jolyane qui s’est fait attraper brièvement. Mais on a tous et toutes appris que les sangsues, ça boit ton sang pis, une fois que ça a fini, ça part (dixit notre guide, Hyppolite : « … mais, si y’en a une qui colle, va voir Lysianne », notre médecin d’expé).
Je reviens à la phrase de Marie-Michelle qui résonnera plus tard, dans les échos de la discussion du soir. À la question « Pourquoi vous faites cette expédition ? », les participant·e·s partagent là où ils et elles en sont et où ils et elles souhaitent aller.
Du temps. De qualité. Pour sortir du quotidien, déconnecter du travail, de l’ordi, d’un rôle spécifique et même pour fermer ce chapitre de leur vie. Beaucoup apprécient pouvoir rencontrer des gens de leur âge qui ont vécu un parcours similaire. Ça rapproche. Pour ceux et celles qui n’en sont pas à leur première expé, on confirme que les liens avec les participant·e·s rencontré·e·s antérieurement sont encore dans leur vie. Les liens qu’on y développe sont forts.
On a une majorité d’amoureux·ses du plein air. On connecte là-dessus. Et plusieurs cherchent à se retrouver, à se reconfirmer qu’ils et elles peuvent encore faire ce type d’activités, malgré leur condition, les opérations, les complications, les transformations de corps et d’esprit…
Plein de choses douces, riches et personnelles ont été échangées. Ce groupe est d’une générosité exaltante dans sa capacité à déjà partager, après seulement 36 heures à se côtoyer. La magie de la nature et de l’aventure opère, tout comme la qualité des personnes présentes facilite ces postures d’ouverture.
Je veux aussi et enfin vous dire qu’ils et elles pensent à vous. Je pense que ce n’est pas facile de se donner du temps à soi, de quitter ses êtres cher·e·s, son travail, son ordi, son pitou, sa gang, son quotidien et se permettre un moment de connexion à soi, à d’autres et à cette nature qui bourdonne, qui nourrit et qui guérit. Ce choix qu’ils et elles ont fait est important, challengeant pour l’instant. Mais je vous promets une chose : ce choix sera bénéfique, transformateur et j’ose même dire absolument magique, et ce sera une personne remplie d’amour, de confiance et d’une énergie renouvelée qui vous retrouvera.
D’ici là, cette seconde journée se clôt et, comme l’a si joliment dit Manu : ce jour 2 n’est pas ordinaire… il est déjà spectaculaire. Imaginez la suite !
Gabrielle