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Ce billet aurait pu avoir plusieurs titres. Ce matin, après un réveil au son du ukulélé, un déjeuner gargantuesque au Café de la pointe, et une baignade dans le soleil levant pour Kaitlyn et Cindy, nous avons pris un moment pour partager un événement significatif en lien avec l’expérience du cancer. Assise autour du feu, chaque personne, par son vécu, a apporté une perspective différente sur la maladie. À la lumière de ce qui a été dit, j’aurais également pu intituler ce billet « le prix humain, les défis et les découvertes insoupçonnées du cancer ». J’ai plutôt choisi l’épilobe ou fireweed en anglais.

L’épilobe est une fleur qui revêt pour moi une signification très symbolique. Elle représente la beauté et la vie qui renaît sur un territoire ravagé par le feu. Les épilobes sont parmi les premières fleurs à repousser après un feu de forêt dans les territoires nordiques. Le rose éclatant de cette fleur qui pousse en talle contraste avec les troncs d’arbres noircis et calcinés. Elles sont un signe que la vie et la joie peuvent renaître après les épreuves. En plus d’être jolies et d’apporter l’espoir de jours meilleurs, ses fleurs sont également, à certains moments de l’année, une ressource importante. Au printemps, les jeunes pousses peuvent être une source de nourriture. À l’automne, lorsqu’elles ont terminé leur cycle de floraison, les fleurs donnent place à de fins fils secs tirebouchonnés qui peuvent être utilisés, à la manière de l’écorce de bouleau, pour allumer un feu, lui aussi symbole de vie, de chaleur et de réconfort.

Chacune de ces femmes, à leur manière, sont pour moi aujourd’hui cet épilobe qui a réussi à surmonter d’immenses défis : la rigueur des traitements, les deuils associés à la perte de certaines capacités ou encore de leur intégrité physique, les difficultés à être une mère présente ou à assumer un rôle de proche aidante pendant les traitements, la solitude, l’incompréhension des proches, la difficulté à naviguer dans le système de santé.

Malgré tout ce que cela engendre de souffrance émotive, chacune d’entre elles a non seulement réussi à cultiver de la joie dans leur vie respective et même à être une source de joie et de réconfort pour d’autres. Certaines sont devenues plus courageuses et ont choisis, une fois de plus, d’élargir leur zone de confort. Par exemple, Kaitlyn a appris le piano et le chant après avoir cru toute sa vie qu’elle n’avait pas le talent nécessaire pour le faire. Pour Nadia, c’est l’apprentissage de la batterie. Pour d’autres, c’est d’apprendre à nommer leurs besoins, à exiger des soins ou des examens médicaux qui leur étaient refusés. Une autre a trouvé du réconfort en développant une amitié insoupçonnée.

Chacune, à sa façon, a su se reconstruire, puiser dans des forces intérieures insoupçonnées et maintenant, en partageant leur expérience différente mais à la fois similaire, elles sont aussi une source de support et de réconfort les unes pour les autres.

Après cet intermède, nous avons repris notre route sur le réservoir, le cœur un peu plus léger d’avoir pu partager notre expérience. Cette fois-ci, malgré un ciel bleu et un soleil

pétant, il a fallu affronter un vent de face. Personne dans ces bateaux n’en était à son premier vent de face! C’est pourquoi, malgré certaines limitations physiques, ensemble nous avons parcouru 10 km en naviguant entre des îles. Nous avons pris le repas du midi dans un charmant petit lagon à la succursale de l’île verte du Café de la pointe où une délicieuse salade de patates nous attendait. Arrivées au campement, le petit massage offert par chacune des coéquipières était le bienvenu.

Ce soir, nous partageons notre dernière soirée ensemble. Mario et Catherine nous ont fait réfléchir à un mot qui représentait notre expérience. Autour du feu, chaque participante et chaque membre de l’équipe a partagé le mot qui lui venant en tête et sa signification.

Danielle : connexion

Michelle : blessed

Vanessa : sérénité

Karl : recette

Andréanne : happening

Sophie : grateful

Nadia : equanimity

Maramatha : genesis

Kaitlyn : trust

Louis : fusion

Nous finissons cette soirée sous le regard curieux d’une immense lune orangée qui luit sur le lac. Bercée par les chansons de Cath au ukulélé accompagnée par de belles voix à l’unisson, je suis définitivement convaincue de l’importance de cette expédition et du pouvoir de la nature pour connecter plus facilement, s’ouvrir, partager. Comme dirait Mario, cette expédition ne guérit pas mais elle fait définitivement partie du processus de guérison.

Définitivement, « Y’a rien qu’icitte qu’on est ben! » (R. Desjardins)

 

Lorie Ouellet, Blogueuse et photographe bénévole pour la fondation Sur la pointe des pieds