« Ils ne savaient pas que c’était impossible. Alors ils l’ont fait. » – Mark Twain
Me voici sur les quelques derniers kilomètres de notre histoire. Reprenons là où nous nous sommes laissés samedi soir.
À la suite du partage émouvant de Mario et Maude, retour à la tente pour une relation étroite avec notre sac de couchage. C’est une évidence, dame nature est moins sévère et nous permet de réfléchir plus longuement à maximiser le confort de la prochaine nuit.
Cependant, visite attendue, l’humidité s’invite entre moi et mon sac de couchage. Je m’active à trouver satisfaction dans la position optimale, dans des mouvements de friction et dans le contrôle de ma respiration. Une fois plus détendue, je tends l’oreille à la jeunesse des bénévoles encore fébrile à la planification de demain. Julien, maestro coordonnateur de son premier défi des deux Mario, se veut apaisant et rassembleur. C’est avec tact et bienveillance, qu’il revoit et réparti l’ensemble des tâches, ressources et services nécessaires pour demain. Dynamique et reconnaissant des obstacles, de l’audace de la bravoure de chacun, Julien dessine avec eux le lever hâtif qui aura un impact crucial sur le déroulement et l’expérience de l’arrivée glorieuse des participants.
Le calme règne, prélude au sommeil et sans attendre plusieurs se glissent dans les bras de morphée. Le lac nous parle. Dans un silence complet il nous invite à écouter ce récital ponctué de bruits secs. Une mélodie qui évoque parfois des sons de baleines, de fusil à clous, de borborygmes ou encore celui des bruits de l’eau dans une gourde. Paradoxe entre solidité et fragilité. À ce moment, je me sens privilégiée. Je salue cette trêve de froid arctique qui me permet de savourer cette douceur du monde sur cette banquise. Je lâche prise.
Le temps marque 6h15, la tente émerge de sa courte hibernation. Pas étonnée de constater que la plupart d’entre nous ont trouvé sommeil réparateur. Je suis très amusée de raconter que le lac n’est pas le seul à s’être exprimé. Tout le monde a entendu ou participé à la chorale de ronflement et de gaz d’échappement. C’est confirmé, la nature nous a exorcisée pendant la nuit.
Le son de la trompette nous réunit joyeusement aux chaudrons. Ce matin rien de moins que ce plat typiquement maghrébin : la chakchouka. Un plat composé d’une poêlée de sauce tomate, poivrons vert ou rouge et d’oignons auquel on ajoute à la finale œuf poché et yaourt. Imaginez, je suis au pôle Nord et je goute ce délice pour la première fois. (D’ailleurs, j’en profite pour inviter officiellement Ricardo à une prochaine expédition du défi des 2 Mario, afin de défier nos indétrônables cuisiniers et vivre la cuisine en plein air de manière pas ordinaire.)
Après s’être goulument délectés, tel des nomades, on déplace le campement pour savourer pleinement la fin de ce mémorable périple. L’écho des rires de chaque tente marque l’odeur du bonheur qui plane. L’honorable Maude Trottier sera des nôtre pour marcher, le cœur remplie d’espoir, les derniers kilomètres avec nous.
Mes bottes de poil seront les souliers de choix. Ampoules aux pieds, j’ai choisi la marche aux skis. Ma pulka de 70 livres en mon impression en fait 100. D’un pas plus faible, j’ai l’impression que le lac me retient. Je constate que plus j’avance vers notre objectif, plus le fil d’arrivée s’éloigne. Mario nous propose d’arriver ensemble, tel des vainqueurs sur une même ligne. Nous sommes le mur du possible. On transpire la victoire, on sent la bravoure, le cœur bat la distinction. Nous sommes hâtifs mais toujours dans la bienveillance d’attendre ceux (comme moi) dont le charriot chavire sans cesse.
Nous entendons la foule, des supporteurs venus encouragés notre digne combat contre le froid. Sur la ligne d’arrivée, le célèbre hymne de Rocky Gonna fly now de Bill Conti résonne l’accomplissement, s’enchaîne ensuite la chanson Celebration de Cool and the gang. Aveuglée par les larmes, je touche chaque main du courage venues nous accueillir et saluer notre adversité.
En terminant comment ne pas rebondir et surfer sur cette vague d’amour et cette épreuve qui m’a transformé à jamais pour le meilleur. Je suis tellement heureuse que grâce à la fondation Sur la pointe des pieds des enfants puissent connaître le répit, le rétablissement, sortir de leur zone et continuer de devenir grands. L’aventure thérapeutique permet la connexion à soi, aux autres et à la nature. Univers unique à l’intérieur de laquelle la permission d’être soi est la seule prescription.
Merci encore infiniment aux êtres exceptionnels qui m’ont entouré durant ce Double DÉFICILE des 2 Mario. Grâce à vous tous, je me suis senti portée, en sécurité et j’ai osé me défier. Je ne peux nommer tous les esprits qui m’ont nourri et les yeux qui m’on sourit mais je suis convaincu être de votre famille. Mon visage gonflé par le froid, mes gerçures causées par les engelures, mes ampoules aux pieds, mes vieilles jambes courbaturées sont la signature d’une fin de semaine extrême et saturée d’émotions. Mes banals malaises éphémères sont rien en comparaison des traces que la maladie laisse dans plusieurs vies.
Ce défi c’est inscrit dans ma philosophie, celui de vivre intensément, en pleine attention petites et grandes interactions.
Merci la vie, merci à vous chers lecteurs et bon courage à tous les enfants et familles qui traversent bien plus que des lacs gelés.
Mélanie Villeneuve
Blogueuse pour la fondation Sur la pointe des pieds
Photos par Charles-David Robitalle