On vous le disait hier, toutes sortes de légendes courent sur cette île parmi les habitués du poisson blanc. Pourtant ici tout semble normal. Là où nous avons choisi de nous installer, on trouve une belle plage de sable, une vaste forêt où se côtoient pins blancs, pins rouge, faux trembles et bouleaux et des berges aux rochers polis par les siècles.
Sur la plage, nous avons dressé le dôme, une tente 15 places utilisée pour les expéditions dans l’Himalaya. Avant de la dresser, on a du terrasser la plage afin de s’aménager une petite plate-forme. Un peu plus loin, on trouve le resto de Mario et Charlie : 4 réchauds et 2 tables sous une toile blanche et verte, où nos deux cuistots d’expédition se sont aménagés une cuisine mille étoiles (on est directement sous la voie lactée), entourés de leurs casseroles, ustensiles, réserve de pâtes, sac de pommes, melons d’eau, glacières… À midi leur bateau de logistique était tellement chargé qu’il avait de la peine à démarrer !
Tout autour de l’île, savez-vous ce qu’il y a? Je vous le donne en plein dans le mille : de l’eau ! De l’eau bleue, claire et fraiche, dans laquelle certains courageux se sont baignés à midi (les deux Marc-André pour être précis). Sur cette eau, on rencontre un couple de huard, et durant toute la journée on y croisait aussi deux rabaskas. Oui deux, car avec le vent du Nord, les vagues et douze adultes, un seul bateau semblait un peu risqué, et offrait surtout beaucoup plus de chance de se faire mouiller. Deux rabaskas donc qui ont pagayé côte à côte toute la journée, sillonnant entre l’île perdue, l’île aux patates, et l’île verte. Deux rabaskas à chanter ensemble comme de vrais voyageurs en route pour les Grands Lacs. Deux rabaskas pour faire une pause, à l’abri d’une baie protégée des vents pour y croquer une pomme au son du ukulélé.
Une journée à pagayer donc, mais pas seulement. Avant de partir il a fallu terminer nos sacs, organiser nos équipements, grâce aux avisés conseils d’expérience de Catherine, puis après quelques échauffements, il ne restait qu’à porter nos deux embarcations rouges et à y grimper. À quelle heure ? Difficile à dire, car histoire de décrocher totalement, on s’est dit qu’on pourrait laisser cellulaires et montres à terre, et juste se fier au soleil, et à nos estomacs.
Ces derniers ne seront pas en reste. À midi, Mario nous attendait sur le rivage, guettant notre venue comme une mère attend le retour de son fils marin. Sur un pic rocheux, il avait dressé une petite table avec une nappe à carreaux et nous attendait de pied ferme avec sa soupe aux pâtes, ses pitas, son couscous et ses carrés aux dattes.
Et voilà, nous sommes complètement installés maintenant. Le feu est allumé, les casseroles fument, les rires résonnent entre les arbres. Mario annonce que la soupe est prête. Le poisson blanc est magique. Son pouvoir ? Souder un groupe en quelques heures, créer des liens qui semblent naturels, comme si ça faisait une éternité que l’on vivait ensemble dans ce bois. La magie est dans ces détails, dans ces conversations autour d’un bol de soupe sur une roche, côte à côte sur un banc de rabaska, ou plus tard, à la lueur des flammes. Alors l’aventure prend tous son sens, on respire et on souffle.