On a voyagé d’asphalte à AIR-EAU-BOIS. On a changé d’élément pour faire rougeoyer l’attisée de feu dans notre poêle à bois intérieur et réaffirmer nos bottes sur la Terre. De bord d’autoroute noire à bord de réservoir du Poisson blanc. Du bruit des chars aux bruits des vagues et du vent. De quotidien à nouveau; d’ordinaire à extraordinaire; d’inconnus à nouvelles rencontres. Aujourd’hui, l’expédition Évasion 19-29 ans 2022 prend son envol. On embrasse les couleurs de l’automne et on goûte aux douces saveurs de la liberté.
En matinée, « Hit the road, Jack! » : Pour être sûr de reconnecter express à notre cœur d’enfant, on a roulé en bus jaune jusqu’en Outaouais. “Squicky squickyy, squikyyy”, criaient les suspensions. Vivement le chant mélodieux des oiseaux.
Du banc de bus au restaurant pour le lunch, rapidement, on apprend à connaître des bribes de la vie des évadés : ce qu’ils sont ou ont été, ce à quoi ils aspirent à retourner, ou non – une ex-jeune infirmière nouvellement passionnée de golf, une ancienne répartitrice au 911, deux étudiants en éducation, un collégien qui rêve d’un voyage dans l’ouest avec son vieux chum, quelqu’un qui a fait l’armée, une qui aide des jeunes avec leur devoirs, une ancienne patineuse artistique, plus d’un qui aime les enfants, une autre qui aime dessiner… Ils et elles sont multiples, pleins, sont beaux et belles; ils ne cherchent pas à être plus grand que nature, mais juste à en faire partie à juste part et d’y retrouver l’équilibre, au sens propre et figuré. Ils sont 6, mais on en croirait 20, d’une richesse épaisse, style crème fouettée.
Quatre jours, ça passe vite : en après-midi on est descendu au lac, idée de se faire venter un brin et d’apprivoiser tranquillement nos grands navires pour l’expédition, les rabaskas. « Ha! La nature » s’exclame spontanément Gabriel, un grand sourire aux lèvres. L’essentiel est là en effet, cher. Comme dirait un grand sage nommé Mario : « La nature et l’aventure, ça fait sortir le beau et le bon du monde. » Je sens qu’il y en a en un char et une barge de beau et de bon en concentré dans ce groupe là, ça crève déjà les yeux.
En soirée, on jase : Pourquoi vous êtes là? Pourquoi avoir tendue la main à la fondation? Je paraphrase : « J’avais besoin de vivre une expérience qui me rappelle qu’il y a une vie pleine de sens devant moi »; « Je veux apprendre à me connaître maintenant, à savoir qui je suis aujourd’hui; après ce diagnostic.» « Je veux reconnecter mon corps et mon esprit, afin qu’ils retrouvent la paix, l’harmonie, et qu’ensemble on travaille à ma rémission ». « J’ai beaucoup souffert de solitude avec la Covid et la maladie; j’espère rencontrer du monde qui vont vraiment, vraiment, me comprendre »; etc. À certains moments, les mots manquaient tellement les idées se bousculaient dans les têtes, et les émotions dans les torses. Les joues ont été humides ce soir.
Familles et ami.e.s, dormez tranquille sachant que tout augure bien ici pour un séjour mémorable. Les liens se tissent doucement entre les évadés : Gab, Mady, Érika, Stéphanie, Maude pis Maude. On les sent les cœurs grands ouverts à l’air, à l’eau, au feu et à la terre. Bravant les limites de leurs zones de confort; chacun, à leur rythme, apprivoisera les autres, eux-mêmes, l’environnement et l’aventure; chacun y sera, éventuellement, dans son élément.
Marie-Hélène Beaudry
Blogueuse-photographe pour la fondation sur la pointe des pieds