Date

Catégories

Expéditions

Auteur

Fabienne Macé

La lumière est belle au réveil. Les rayons percent par intermittence entre les grands pins rouges, inondant le camp de soleil pour quelques instants. Le feu crépite. Nicole rissole les pommes de terre du déjeuner. Face au lac, Hippo et Jessica sont déjà à l’épluchage pour les wraps du midi, sur le dos d’un canot suspendu en guise de comptoir.

Saturnie cecropia

Une énorme chenille vert tendre vient d’adopter Mario pendant qu’il chargeait les canots. Lysianne nous montre le superbe papillon qu’elle deviendra pour quelques jours seulement, lesquels seront ses plus beaux jours. Pour l’heure, elle ne quitte pas le genou de Mario et pose pour les nombreux photographes, interrompant tout le rangement du campement.

« La nature a le pouvoir de nous émerveiller » glisse Mario en nous rappelant de « laisser la nature nous enrober, nous réconforter pendant notre aventure. Elle est un outil de ressourcement, de réflexion, de méditation qui peut toucher notre âme. Utilisons la nature pour éveiller nos sens et nous connecter aux éléments car nous faisons partie de la nature. »

La vie comme cadeau

Sur ce, on entame une activité qui va nous ancrer là, ici et maintenant. Eve Marie nous invite à nous promener en silence à l’affût de quelque chose qui nous interpelle puis de partager aux autres pourquoi cela nous parle.

KAYLEE nous montre « un arbre qui allait tomber, mais qui est soutenu par deux autres arbres, comme elle qui est toujours debout grâce au groupe. »

CHARLES tient deux délicates « petites feuilles de thé des bois, douces et fraîches, (comme lui!) qui ont poussé toutes seules au milieu de nulle part. »

RANIA a dans ses mains de toutes « petites cocottes sur lesquelles on marche sans les voir. Les plus petites sont comme elle qui apprend tellement ici et continue de grandir tous les jours. » Charles ajoute que les cocottes comme le Phoenix reconstruisent la forêt après un incendie.

ALICE nous parle d’un champignon jaune très mignon qu’elle a arraché ; en-dessous, plein d’insectes le mangeaient. Une résilience qui lui ressemble car le champignon allait se reprendre en mycélium et resurgir ailleurs.

KAYLA a vu un gros champignon, comme un pancake, « à l’ombre des arbres et des débris. Il est caché si on y prête pas attention mais il continue de grandir même si c’est le chaos autour de lui et même si c’est difficile. »

ROMANE tient une pomme de pin qui d’une part lui rappelle chez elle en France et aussi une activité d’école où elle avait peint une pomme de pin fermée et l’avait retrouvée ouverte une semaine plus tard. Ça lui ressemble car parfois elle est fermée et parfois elle s’ouvre et les deux sont bien. Romane devient notre Petite Cocotte!

CORALIE a remarqué un sapin très grand qui protégeait les autres petits. Ça lui donne envie à son tour de prendre soins des autres.

MICHAEL lui a repéré trois arbres qui représente les membres de sa famille avec différentes tailles : Mama, Papa, Brother et en les touchant, il s’est vu au milieu d’eux.

KYLIE, c’est la plage qu’elle aime, au Mexique ou ici, « Un grain de sable tout seul, ce n’est rien, mais tous les grains ensemble font la plage. » Le cancer est une partie d’elle, mais qui elle est, c’est aussi tout le reste.

VINCENT a rapporté une grosse souche déracinée, mais il nous dit qu’elle « porte encore plein de morceaux de vie en elle » avec des larmes glissant sur ses joues.

NICOLE a trouvé « un champignon mangé par un écureuil, il fait partie de l’écosystème et le nourrit. »

EVE MARIE aussi a trouvé un champignon assez vilain, mais elle l’aime car il est tellement plus que ce dont il a l’air. C’est fascinant que ce soit son mycélium qui fasse la connexion et la communication entre tous les végétaux. C’est la même solidarité dans un groupe et c’est pour ça qu’elle aime être entourée.

PAUL nous montre d’abord « un arbre avec une partie brisée (peut-être un cancer?) et une partie qui donne l’impression qu’il est le plus fort. Il a l’espoir de faire pareil » Puis il nous montre le sol plein de brindilles en fouillis et fait un parallèle avec tout ce qui entoure le cancer : les traitements, la recherche, les levées de fonds, la fondation, etc.

JESSE nous parle des grands et vieux pins qui perdent leurs branches basses pour pouvoir nourrir le reste de l’arbre et pousser vers la lumière.

CATHERINE pleure d’émotions en entendant parler de la nature. Très touchée par sa beauté et toujours aussi émerveillée de tout dans la nature à en lasser les autres, paraît-il. Elle ajoute qu’elle aime toucher, être proche des autres pour nourrir sa connexion et s’excuse auprès du groupe en riant.

MARIO choisit le chant du huard qui le « connecte à la pureté de la nature; cette nature qui calme la douleur, la peine, la souffrance. » Citant une ancienne participante, il incite « à profiter de tous les jours que l’on vit dans un si bel environnement et à voir la vie comme un cadeau. »

Charles craque sous la pression et laisse exploser ses larmes, en s’excusant. Eve-Marie le rassure qu’on ne s’excuse pas de rire, alors pourquoi s’excuserait-on de pleurer ?

KAYLA nous parle de l’eau ; « l’eau qui peut bouillir les œufs durs ou ramollir les pommes de terre et la compare à nous qui avons tous notre propre façon d’évoluer dans un même environnement.

MARYLOU évoque « une cocotte, toute douce avec quelques épines comme la nature qu’elle aime. »

JESSICA nous montre « un morceau d’écorce sur lequel on peut voir comme un décor naturel ou bien des rivières ou encore des montagnes ; une écorce faite de morceau superposés comme le groupe, la communauté. »

JHELISA  nous parle d’un arbre tombé qui semble mort mais qui est toujours vivant et lui inspire la résilience.

JÉRÉMIE est très ému de pouvoir partager avec ce groupe, d’y être accepté et de savoir que les jeunes sont si reconnaissants de son travail.  La nature a toujours été un espace de sécurité pour lui et si ses quinze dernières années de guide peuvent permettre aux jeunes de profiter à leur tour de cet espace de sécurité, ça donne tout son sens à son travail. Ça le touche profondément; ces mots se noient dans les sanglots qu’il retient.

LYSIANNE nous montre le panneau indiquant les toilettes dans lequel un humain a gravé des lettres qui sont devenues significatives comme nous sommes ne ce moment en train de nous graver les uns les autres. C’est aussi 8 lettres, 8 comme le signe de l’infini, et une flèche qui indique d’avancer.

Sous les rafales, nous poussons nos canots le long du lac. Jessica nous explique toutes les essences d’arbres qui le bordent et comment les différencier : pin rouge, ou pin blanc, bouleau ou peuplier, cèdre… puis les oiseaux Geai bleu, grive à dos olive… Hippo nous fait sa capsule scientifique sur le lichen qui est le seul végétal à pousser sur de la roche. On s’instruit, on observe. Il parait que l’on aime et protège ce que l’on connaît; alors apprenons encore sur la nature si généreuse et bienfaisante.

 

Fabienne Macé, Blogueuse et photographe bénévole pour la fondation Sur la pointe des pieds