Christophe Bristiel

2022

Mordu d'aventure

Quand on gravit un col à vélo, lorsque l’effort devient trop intense, une seule solution : se mettre en danseuse, sur la pointe des pieds…

J’ai grandi à Strasbourg en Alsace, province qui fait le trait d’union entre la France et l’Allemagne sur les bords du Rhin. J’ai travaillé de nombreuses années dans le domaine de la finance, auprès de grandes banques internationales à Francfort, New-York puis Londres. Autant dire que mon quotidien était plus peuplé d’écrans d’ordinateurs que de sommets enneigés : la nature a longtemps été un luxe réservé aux quelques semaines de congés.

Il était temps de changer de vie. En 2005, j’ai choisi de rejoindre le merveilleux monde du vin, emboitant les pas de mon père. Le diplôme de Sommelier Conseil en poche, je me suis envolé avec ma famille pour le Chili où j’ai eu la chance de travailler pendant quatre ans à la création d’un domaine dans la vallée de Colchagua. Avant de revenir à Vaison-la-Romaine, en Provence, où nous tenons désormais un gîte, L’Échappée-Vaison-Ventoux. À la ville, je représente Château La Nerthe, domaine historique BIO de Châteauneuf-du-Pape, aux quatre coins de la planète.

Travailler dans un domaine viticole demande de rester en symbiose avec la nature, de s’adapter aux aléas qu’elle nous présente millésime après millésime. Le vin c’est un produit par an, construit jour après jour dans le vignoble avec son écosystème et sa biodiversité. C’est un concentré de nature et de travail dans un verre.

J’ai participé à mon premier marathon en 1991. Le goût pour les efforts au long cours ne m’a plus quitté depuis, passant naturellement à des distances plus longues : les 100km de Millau et de Biel/Bienne (40 ans jour pour jour après mon père) ou le Marathon des Sables (250 km de course en 5 jours dans le désert du Sahara en autosuffisance). Une autre « balade » m’a aussi mené au sommet de l’Aconcagua, le colosse de l’Amérique, à 6962m.

Et quand on habite au pied du mythique Mont Ventoux, où ont été écrites les plus belles mais aussi les plus dramatiques pages du Tour de France, on ne peut que se mettre au vélo, non ? Les 21km d’ascension ininterrompue qui mènent à ses 1912m d’altitude sont devenus mon terrain de jeu favori. En toute saison, par tous les temps, par tous les côtés et, surtout, par tous les moyens.

Sur les pentes du Ventoux, il n’est pas rare de confronter les quatre saisons dans la même journée, surtout quand ce coquin de Mistral s’invite à la fête ! Si l’ascension débute au milieu des champs de lavande et d’oliviers, les essences provençales laissent peu à peu la place aux plantes subarctiques. Pour culminer dans un paysage lunaire au climat… québécois ?

L’un de mes défis récents a été de gravir le Géant de Provence, comme on le surnomme ici, six fois dans la même journée à vélo, dépassant ainsi le dénivelé du Mont Everest. Le plus fou, je pense, a été de pédaler du Vieux Port de Marseille au sommet du Ventoux et retour à Marseille sur un équivalent de votre Bixi  – 28 kg et seulement trois vitesses. Soit 300 km A/R en 21 heures – arrêt déjeuner avec Magnum de rosé (de Provence) compris, bien sûr.

Si l’on en croit le Larousse, l’aventure est une « entreprise remarquable par le grand nombre de ses difficultés et l’incertitude de son aboutissement ». Or c’est en bas de chez soi que l’on trouve les plus belles aventures. Et même encore plus près : en soi.

L’aventure, le voyage sont intérieurs. Pour véritablement se dépayser il faut se dépasser, et non l’inverse. Au risque de demeurer simple touriste, touriste géographique mais aussi touriste de sa propre vie.

Les jeunes que la Fondation soutient ont rarement le choix, obligés de vivre leur vie en accéléré, en concentré. J’aimerais les aider à ma manière et, qui sait, faire découvrir notre merveilleuse région et cette montagne magique à quelques-uns d’entre eux grâce à ma levée de fonds ?

Avec ce défi que je me suis lancé : gravir 100 fois le Mont Ventoux au cours de l’année 2022. 160 km de dénivelé positif – deux fois l’altitude des vols spatiaux d’un Virgin Galactic.

Comme Charles Baudelaire dans Le Voyage je veux « voyager sans vapeur et sans voile ! » mais certainement avec enthousiasme et détermination.

Si mon aventure sera souvent solitaire, sa nature est bien d’être solidaire : en parfait synchronisme avec la mission de la fondation : se dépasser aux plans physique et psychologique – sans oublier le plaisir, ensemble ! Mon aventure solitaire est par nature solidaire.

Je suis persuadé qu’au bout de cette aventure, c’est moi qui vais remercier la Fondation pour m’avoir lancé dans ce voyage au bout de la vie : nos limites sont tellement plus loin que l’on croit. Un tour de pédales à la fois.

Voyager c’est s’habiller en fou
C’est dire « je m’en fou »
C’est vouloir rentrer
Rentrer en appréciant le manque
Savourant un verre
C’est désirer commencer

Viajar, Gabriel García Márquez

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