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Chers lecteurs,
Je dois vous avouer que je me sens terriblement chanceuse d’être ici aujourd’hui.
Avoir le privilège de retranscrire en mots et en images un événement que j’admire depuis quelques années, me rend particulièrement fébrile et pleine de gratitude.
C’est la 16e année consécutive pour le Double Défi des 2 Mario, me dit-on. C’est toute une organisation pour accompagner chaque hiver des participants venus de tous horizons pour braver l’incertitude du Lac St Jean.
Pour cette seconde édition 2024, du jamais vu nous attend : de la pluie et des températures avoisinant les 3°C. Ça va être chaud, et on devrait probablement avoir les pieds dans la slush lors de notre traversée.
J’ai la chance de discuter avec un des 2 Mario un peu plus tôt ce vendredi 9 février avant le départ, et il me partage que la veille, il a presque complété un aller retour en ski sur le lac pour s’assurer que les conditions n’étaient pas préoccupantes. Cet entrain m’épate. Quelle motivation, je comprends qu’on ait le goût de le suivre depuis toutes ces années.
Les choses s’activent ce vendredi matin au Parc national de la Pointe-Taillon. Les participants arrivent les uns après les autres. Toute l’équipe de bénévoles est à sa tâche et s’assure que personne ne manque de rien : les logisticiens, les motoneigistes, les cuisiniers, les anges gardiens. Une équipe bien rodée en qui je suis prête à offrir toute ma confiance pour la fin de semaine.
Ça y est, tout le monde est prêt.
Julien, le brillant coordonateur de cette traversée nous invite à nous avancer au bord du lac sous l’arche de départ et à bien écouter ses instructions ainsi que celles des 2 Mario. Quelques mots pour nous rappeler ce qu’est ce Double Défi, à la fois un défi physique mais aussi un défi personnel avec soi même.
Un défi sur 3 jours et 2 nuits dans des conditions plus rudes que ce que la majorité d’entre nous connaît dans son quotidien. Une différence notable avec ce que vivent les jeunes atteints de cancer qui se bâtent sans relâche, bien plus que 3 jours. Sous un cri de ralliement, Mario Cantin nous invite à finir la fin de sa phrase et qu’on puisse nous entendre de l’autre côté du lac : « Double défi des 2 Mario… POUR LES JEUNES »
9h30, c’est un départ sous le soleil.
Chacun s’acclimate à ce nouveau rythme qui sera le nôtre pour les 52 prochaines heures. Chacun tire son propre traîneau et la charge peut quelque peu surprendre quand on a pas nécessairement l’habitude. Les hanches, les cuisses, les mollets : tout se met au travail sans tarder.
Certains sont venus seuls, d’autres accompagnés, mais les échanges entre les uns et les autres ne se font pas attendre. Je rencontre d’ailleurs un ancien participant d’une précédente expédition offerte par la fondation, David. Il arrive de la Gaspésie et pour lui c’était important de redonner aujourd’hui avec cette activité de financement après ce que la Fondation lui a apporté un an plus tôt. Une expérience profondément transformatrice. Il me dit à quel point avant son expédition de mars passé il n’avait aucune idée qu’il avait besoin d’échanger sur ce par quoi le cancer l’avait fait passer.
Tantôt, chacun dans nos réflexions personnelles, tantôt à discuter et à rire avec d’autres, face cet infiniment blanc en guise de décor, les kilomètres s’additionnent sans même qu’on s’en rende compte.
Je me sens absorbée. Mario l’avait dit, il se passe quelque chose de magique sur le lac, oui j’y crois!
Les 2 Mario, en tête de ce qu’il me semble presque être un cortège, s’arrêtent et observent le lac. Il semblerait que de la slush soit visible. L’un des deux s’avancent sur plusieurs dizaines de mètres tout seul et invite le reste de son équipe la plus proche à l’observer attentivement, certains signes seront communiqués pour indiquer quelle est la situation.
Après quelques minutes, Laura, une de nos ange-gardienne, attire l’attention du groupe par une voix mobilisante et nous annonce : chacun sa trace ! Tu ne suis personne ! Il y a de la slush, vous devez marcher la où il n’y a aucune trace. Le groupe si soudé éclate temporairement, et trace son chemin. Cela me rappelle que nous devons souvent le faire dans nos vies pour pouvoir avancer en sécurité et assez efficacement. La nature est assurément le meilleur des enseignements.
Je vous rassure quand même chers lecteurs, il y a 18 pouces de glace sous nos pieds, et la slush apparente n’est pas un signe de redoux extrême et nous sommes en totale sécurité.
Une pause collation est la bienvenue et nous arrivons à la base, installée par nos formidables logisticiens. Le sac de vivres de courses est rempli de douceurs aussi bonnes les unes que les autres.
Une grande tente dôme est installée pour nous abriter du vent, de même qu’une tente toilettes. Tout pour répondre à nos besoins essentiels du moment.
Trente minutes suffisent et nous voilà repartis pour les 5km restants de la journée. Le vent s’est levé, chacun gère ses couches de vêtements pour être des plus confortables.
Depuis notre départ ce matin, nous voyons la rive d’en face; presque impossible de croire qu’il nous faudra 3 jours pour traverser, et pourtant. Nous avançons et la rive reste toujours aussi éloignée.
Le rythme du groupe m’impressionne, tout le monde suit la cadence donnée par les 2 Mario, le sourire est dans chaque visage et ce tout au long de notre après midi.
Le soleil perce les nuages, et nous nous arrêtons pour en profiter. Quelques photos à la volée de visages baignés de lumière et de cœur remplis de joie, nous amorçons nos derniers mètres.
Campement du soir en vue ! Six tentes dômes prônent au beau milieu du lac, tel un village qui se serait monté subitement ici. Quelle magie! Toute l’équipe logistique nous attend et nous accueille chaleureusement en frappant dans les mains. On se sent comme des artistes, des vétérans.
À peine le temps de se donner une accolade que la pluie nous surprend comme pour nous dire qu’elle nous a laissé le temps d’arriver sans tracas. Elle nous quittera bien assez vite pour laisser place au spectacle de lumière venu tout droit de l’ouest, un soleil couchant rouge flamboyant qui nous laissera contemplatifs et quelque peu émotifs.
Marine Diez – Photographe Blogueur bénévole pour la fondation Sur la pointe de pieds