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Chers lecteurs,
Vendredi, je terminais mon récit du jour à l’heure où Dame Nature nous offrait ses dernières lueurs. Chacun de nous a pu prendre place confortablement dans les tentes pour s’installer et se changer. Je passe devant chacune d’elles et j’entends la voix des anges gardiens « On se change au complet! Même les bobettes! ». Personne n’hésite à s’exécuter, avec l’assurance de se sentir bien mieux malgré l’effort que cela demande après une journée aussi dense.
Le corps au sec, la cloche retentit à la cuisine, le repas nous attend. Quelle coordination, merci les cuisiniers! Tout le monde se précipite sur le souper, ce soir c’est Happy Yak qui nous régale avec son mijoté de boeuf, sa blanquette de poulet et son cari. On se fait servir, on a juste à déguster (si vous n’aimez pas manger froid, il est conseillé d’engloutir le tout dans les deux minutes qui suivent la réception du plat). On a même droit à un brownies en dessert servi avec son coulis de fraise, tout le monde est d’accord pour dire que c’est un régal.
Le souper terminé, les sacs de couchage au chaud dans la tente ne se font pas attendre par une grande majorité d’entre nous. Bien qu’il ne fasse pas froid pour la période de l’année (0°), la fatigue de cette première journée se fait sentir. Alors que les fanaux éclairent chaque tente et font rayonner le campement, le ciel nous dirait qu’il les a vu s’éteindre une à une et qu’à 21h on entendait juste le vent souffler.
En ce samedi matin, le jour se lève sur le lac, 5h30 c’est l’heure où ça s’active en cuisine. Le mouvement de chacun donne le départ de la journée. On se partage le récit de notre propre nuit, il a fait chaud dans les sacs de couchage, mais qu’est-ce qu’on était bien. Le café brulant nous attend déjà en dehors de la tente, et la magie a encore opéré en cuisine : omelette espagnole, beans à l’érable et sauce salsa. Qu’est ce qu’on mange bien quand on est dehors!
Aussitôt fini, tout le monde s’attelle à la préparation de son traîneau pour un départ sous peu vers la plus grosse journée de la fin de semaine. En effet c’est 14km qui nous attendent aujourd’hui.
Alors qu’on est sur le départ, Alex et Sam invitent à se placer en cercle pour un entraînement avant notre journée. Mouvement de bassin à droite, à gauche, en avant, en arrière et tout ça en chantant : « Mousse, mousse j’aime la mousse, j’aime la mousse et la jolie forêt ». Tout le monde joue le jeu et les éclats de rire fusent de tous bords. C’est presque contagieux! Les rires sont assez forts pour nous faire oublier la petite pluie qui s’invite doucement.
On est reparti! Boussole à la main, les 2 Mario nous guident sereinement vers notre prochain campement de midi. Mario Bilodeau nous interpelle « Hé le monde ! On est tu bin! » et nous demande de répéter avec lui. C’est vrai qu’on est bien, il nait instantanément une cohésion de groupe par cette marche que je qualifierai presque de solennelle. C’est surtout ma façon personnelle de dire qu’on est bien. La symbiose, l’élan de vie à travers cette étendue de blanc.
Je prends un temps pour aller discuter avec Mario Bilodeau qui nous ouvre « la route ». On parle de son parcours époustouflant, on jase aventures, dépassement, miracles de l’intervention par la nature. Son humilité et sa simplicité sont palpables, je vois dans son regard, le cœur qu’il a mis à l’ouvrage dans sa vie pour aider les jeunes, pour propulser le plein air. Il ne me voit pas mais derrière mes lunettes, mes larmes coulent. Parler avec lui c’est comme toucher le bonheur avec les deux mains. Je regarde l’horizon, le reste du groupe étant à 100% derrière moi, est oui Mario, on est bin!
Mais la neige cale, il fait chaud, les couches de vêtements se retirent les unes après les autres, on est même plusieurs sans tuques. Le moral vacille dans le groupe, les traîneaux semblent lourds, c’est difficile sur le corps. Heureusement la pause du midi arrive au bon moment pour donner le temps à chacun de reprendre assez d’énergie (bien que nous mangions et nous hydratons en permanence depuis notre départ). Le camp est monté et chacun trouve une place qui lui est confortable.
Depuis le début de cette traversée, je ne peux pas m’empêcher d’être stupéfaite des acteurs de l’ombre de cet événement. Ils montent nos tentes, nous ravitaillent en eau et en bouffe, s’assurent que des boissons chaudes soient toujours disponible, nous transportent notre équipement si on ressent une faiblesse, installent nos toilettes, et je vais vous dire un truc : ils transportent même ce qu’ils retrouvent dans ces dites toilettes.
Parlons-en, de l’envers du décor! Pour voir de plus près, je décide de me séparer de mon groupe de marcheurs l’après midi pour aller observer ces travailleurs cachés. J’embarque avec Julien sur la motoneige et nous filons tout droit vers le campement du soir qui a déjà commencé à se monter. Eh oui, il y a une équipe qui gère nos installations du midi et une autre qui s’occupe du soir.
On s’écarte assez du groupe de marcheurs afin de ne pas les distraire.
Je les regarde au loin, ils paraissent si petits dans cet immensément blanc telle une tâche à l’horizon. Dans cette perspective je me questionne sur notre importance dans le monde, et je me souviens aussitôt que ces gens là que je vois sont dotés d’une puissance intérieure gigantesque de part leur présence ici. Le vent dans les yeux sur la motoneige qui progresse au delà des aspérités du lac, l’émotion m’envahit encore une fois.
Arrivée au campement, chacun est à sa tâche et s’exécute. Tout le monde rit, danse, chante. On vit une toute autre réalité ici. Nos logisticiens-magiciens, dotés d’une communication des plus claire et efficace, monte une tente dôme en quelques minutes. Ils se motivent même pour créer deux grands bancs de neige en forme de U pour que tout le monde puisse s’asseoir ici ce soir.
A la cuisine, Karl, Julien et Samuel ne chôment pas. Le pâté chinois et le gâteau aux carottes prévus ce soir ne se feront pas tous seuls. La cuisine mobile qu’ils occupent est gigantesque et tout est géré à la perfection. Il y a des boites pour tout, même pour le linge à vaisselle sale.
Les marcheurs arrivent enfin, chacun quitte son poste pour aller les accueillir sous une pluie d’applaudissement. Ils étaient tous beaux à voir, dans l’effort, dans la victoire.
A peine arrivés, Simon a préparé une surprise : de la tire d’érable pour tous. Une sacrée récompense pour nos marcheurs. La douleur des jambes et l’humidité des pieds s’estompent en une fraction de seconde.
J’aimerais vous raconter encore toutes ces choses qui m’émerveillent chaque minute, mais je dois vous quitter. La soirée de partages autour du feu (encore une technique inventée par nos logisticiens-magiciens) est sur le point de commencer et j’ai profondément envie de me connecter un peu plus avec chacun de ces humains.
Marine Diez
Blogueuse et photographe bénévole pour la fondation Sur la pointe des pieds